Alors qu’en France, les zones rurales représentent 80 % de la superficie totale du pays et sont occupées par environ un tiers de la population française totale, elles concentrent près de la moitié des féminicides constatés chaque année.
Dès 2021, le Sénat s’empare de cette question au travers du Rapport d’information n° 60 FEMMES ET RURALITÉS : EN FINIR AVEC LES ZONES BLANCHES DE L’ÉGALITÉ (2021-2022), tome I, déposé le 14 octobre 2021.
Le rapport d’information note que les femmes en ruralité, sont en quelque sorte « doublement » victimes : de violences physiques et psychologiques, économiques, etc. comme toutes les autres femmes exposées à cette situation, mais également victimes de difficultés supplémentaires du point de vue de leur prise en charge, du traitement des violences et de leur parcours de sortie des violences, difficultés liées au fait même de vivre en milieu rural.
La Fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF) relève des obstacles à l’identification des femmes victimes de violences domestiques en milieu rural et mène une campagne pour se rendre au plus près des territoires ruraux notamment avec des permanences juridiques. Dans le Gard, plus de 20 permanences se déploient à travers le département.
Isolement géographique et moral
Le centre Hubertine-Auclert en région Ile-de-France a publié, en 2019, un rapport intitulé « Femmes et ruralité pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans les territoires ruraux franciliens ». Il a noté que « dans le milieu rural, il existe un grand vide concernant la lutte contre les violences. Les femmes en milieu rural ne connaissaient pas toujours le numéro d’appel d’urgence 3919 . Ce constat est aussi fait par la Fédération nationale Solidarité Femmes qui déploie et gère le numéro national : seul ¼ des appels proviennent des zones rurales.
Dans la continuité de l’ensemble de ces réflexions, l’Observatoire des Violences Sexistes et Sexuelles de Nouvelle-Aquitaine a mis en œuvre une recherche action : « Les femmes victimes de violences en milieu rural de la Nouvelle Aquitaine ». Les travaux de recherche dirigés par Johanna Dagorn se sont appuyés sur des entretiens, des groupes de discussion et des questionnaires dont la passation a été réalisée sur l’ensemble des 13 départements de la région Nouvelle Aquitaine : Femmes violences rural der (nouvelle-aquitaine.fr)
Les résultats mettent en exergue que l’isolement de ces femmes n’est pas que géographique, il est aussi moral. Ils montrent également que les stéréotypes de sexe fortement ancrés et le contrôle social sont des facteurs aggravants pour les femmes victimes de violences en milieu rural.
Plus spécifiquement, le rapport relève :
- une méconnaissance des droits, du numéro d’écoute national 3919, des lieux ressources spécialisés pour accompagner la sortie de la violence
- une difficulté à déposer plainte
- des disparités territoriales dans l’accès aux aides : il manque des services de proximité dans les secteurs de la santé, de la justice, etc.
- un manque d’associations spécialisées : les lieux d’accueil et d’hébergement sont moins accessibles et moins nombreux
- une formation insuffisante ou inégale des professionnels et des professionnelles
- une prégnance des stéréotypes sexistes et d’une société patriarcale
- des violences niées, difficilement révélées, minimisées ou banalisées
- un isolement géographique et des difficultés de mobilité
- une précarité financière.
In fine, ce sont autant de facteurs de vulnérabilité facilitant la mise en place d’un contrôle coercitif.