Le contrôle coercitif dans les violences conjugales

Qu’est ce que c’est ?

  • Le contrôle coercitif est une forme insidieuse et continue de violence, souvent dans un contexte conjugal et principalement constitué de micro-agressions répétées au quotidien. Il peut inclure des incidents de violence et des stratégies de contrôle moins visibles, notamment du gaslighting (décervelage ou méthode de manipulation et d’abus de pouvoir ),
  • Des menaces, de l’isolement et des restrictions arbitraires. C’est le professeur Evan Stark qui, en 2007, conceptualise le contrôle coercitif dans son ouvrage Coercive Control: How Men Entrap Women in Personal Life. Il y explique que les hommes ont recours au contrôle coercitif comme outil de subordination des femmes. Stark estime que les hommes se sont adaptés à l’avancée des droits des femmes en adoptant des « stratégies de contrôle et de domination moins ouvertement visibles, plus subtiles, mais tout aussi dévastatrices ». Stark compare le contrôle coercitif à une cage dans laquelle la victime se sent prise au piège.
  • Schéma de contrôle de l’auteur sur la victime qui va devenir assujettie à ce dernier : par exemple, un mari qui trouve que sa femme est habillée trop court ou trop sexy et qui décide de ses tenues ; une femme qui doit dire où elle est et ce qu’elle fait quand elle est en pause ou qui n’a pas accès à son compte en banque. Autant de définitions du « contrôle coercitif», une contrainte imposée par un conjoint dans la vie de tous les jours. Les enquêteurs le retrouvent dans 100 % des féminicides
  • C’est un schéma et non une infraction pénale car elle n’est pas encore inscrite dans la loi.
  • Faire entrer cette notion dans le Code pénal permettrait d’en faire un délit pour déceler et punir les hommes violents avant qu’ils ne passent aux coups.
  • La France incrimine les violences psychologiques et a été un des premiers pays à le faire mais la victime doit prouver un mécanisme d’emprise. Or, l’infraction de contrôle coercitif permettrait d’inverser la charge de la preuve. Permet une meilleure identification des violences intrafamiliales et facilite la poursuite des auteurs.

« Au lieu de se demander pourquoi la victime n’est pas partie, on se demande comment est-ce que l’agresseur s’y est pris pour qu’elle reste. La victime ne doit plus prouver l’emprise, désormais on braque le projecteur sur celui qui impose et cela change tout », souligne Andreea Gruev-Vintila, chercheuse en psychologie sociale à l’université Paris-Nanterre. A l’origine, elle travaillait sur le terrorisme, des caractéristiques qu’elle retrouve dans les violences intrafamiliales, qui doivent être considérées selon elle comme des violences sociales.

La notion de contrôle coercitif dans les violences conjugales est donc au cœur des débats. En 2023, l’ancienne ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes songeait à introduire cette notion dans le Code pénal. Un groupe de travail avait été désigné.

Cette notion est consacrée en Angleterre, au Pays de Galles, en Irlande, en Ecosse, en Australie ou encore en Belgique (depuis la loi du 13 juillet 2023). Ainsi que dans certains états des Etats-Unis.

La Jurisprudence :

Cinq arrêts rendus par la Cour d’appel de Poitiers le 31 janvier 2024 viennent consacrer la notion de contrôle coercitif comme schéma des violences conjugales.

Le 31 janvier 2024, par la grâce de la cour d’appel de Poitiers et en particulier de l’engagement de sa première présidente, Gwenola Joly-Coz, et de son procureur général, Éric Corbaux, le contrôle coercitif – concept propulsé par le sociologue Evan Stark – est devenu une notion juridique française. Inscrit au cœur de cinq arrêts rendus ce jour-là, le contrôle coercitif quittait le champ de l’enseignement, de la recherche, et des rapports parlementaires, où il était cantonné depuis 2017, pour rejoindre celui du droit positif.

Dans les cinq arrêts, la Cour d’appel prend soin d’identifier ce qu’elle appelle « les outils de contrôle coercitif », lesquels permettent de dégager une définition de la notion qui fait écho à celle proposée en doctrine. La Cour relève ainsi que « les agissements (de l’auteur) sont divers et cumulés » et que, « pris isolément, ils peuvent être relativisés. Identifiés, listés et mis en cohérence, ils forment un ensemble ».  C’est précisément là l’intérêt du contrôle coercitif que de réunir, sous une même notion, un ensemble d’actes tendus vers le même objectif de contrôle et d’assujettissement de la victime et qui, sans cette notion commune, seraient traités de manière isolée, voire seraient ignorés. Dès lors qu’est identifié un schéma de contrôle coercitif, les violences conjugales révèlent, selon la Cour d’appel, « la relation d’obéissance et soumission » de la victime à l’auteur, lequel « s’érige en maître » du domicile, de la maison et/ou du fonctionnement familial.

 Pour consacrer la notion, la Cour d’appel rapproche le contrôle coercitif à des infractions pénales (respect de la légalité pénale). En effet, les arrêts ont permis une place particulière à la notion qui est celle d’un instrument à mi-chemin entre, d’un côté, un concept de sciences sociales, facilitant l’identification des situations problématiques dans le champ des violences conjugales et sur lequel la Cour nous donne véritablement une leçon de science et, de l’autre, une notion juridique distillée tout au long de l’arrêt et qui influe sur l’application des textes en vigueur.

 Ces arrêts s’inscrivent dans une volonté judiciaire de lutter contre les violences  conjugales, récemment consacrée par l’institution des pôles spécialisés  au sein des tribunaux judiciaires  et des cours d’appel.

Sources

Contre les violences faites aux femmes

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