L’emprise est un ensemble de mécanismes qui permet à un individu d’exercer son pouvoir sur le psychisme de l’autre, sans tenir compte du vouloir de l’autre. Le contrôle constitue un des éléments du processus d’emprise.
L’agresseur prend progressivement possession de la vie de l’autre en la commandant, dans le but de la dominer.
Ce contrôle peut prendre des formes différentes : contrôle des tenues vestimentaires, des relations sociales, etc …
Petit à petit, la victime est isolée de sa famille, de ses amis et de son travail … Au départ de l’emprise, il y a toujours séduction. Son apparition est insidieuse et source de confusion pour la victime. Le fait que les passages à l’acte violents peuvent être intercalés avec des phases de répit ou de tendresse amène la victime à douter de ses propres perceptions de danger et à se culpabiliser quant aux agressions. Le processus d’emprise et d’isolement fait en sorte que les départs sont particulièrement difficiles pour la victime. Statistiquement, environ 6 départs seront tentés avant un départ définitif.
Le législateur vient d’intégrer la notion d’emprise pour les violences conjugales
« pour que les signaux s’allument, il faut apprendre à détecter ce processus psychologique », recommande Isabelle Rome .Sur ce point, les professionnels de santé peuvent désormais émettre un signalement direct au procureur de la République s’ils estiment que leur patiente est sous l’emprise de son conjoint violent et en danger. Et ce, avec son accord ou non.
Le 25 novembre 2019, l’ex-Premier ministre Edouard Philippe avait centré son discours sur la notion d’emprise, la qualifiant « d’enfermement à l’air libre ».
Depuis, la notion a fait son apparition dans le Code pénal et dans le Code civil, mais seulement pour les violences conjugales, et dans des cas précis. Outre la dérogation au secret médical, la loi interdit le recours à la médiation familiale lorsqu’il existe une « emprise manifeste de l’un des deux époux sur son conjoint ».
Enfin, la dernière mesure phare est la création, dans le Code pénal, de l’incrimination de suicide forcé comme circonstance aggravante au délit de harcèlement moral au sein du couple.
En 2022 , 759 victimes de suicide forcé ou de tentative de suicide forcé (harcèlement ayant conduit au suicide)
Aujourd’hui , le phénomène est donc davantage reconnu, mais il faut aller encore plus loin et laisser au juge la liberté de définir l’emprise quand il le souhaite.
Les situations retenues en jurisprudence en matière d’emprise sont multiples. C’est là encore le qualificatif qui l’accompagne qui permet d’en apprécier la teneur. Nous n’allons ici en donner quelques illustrations :
- L’emprise morale peut être liée à un comportement autoritaire et agressif.
- L’emprise affective est un état de dépendance ou l’instrumentalisation des sentiments se réalise avec perversion
- L’emprise économique induit une insécurité et une dépendance, que l’on soit précaire ou que l’on soit responsable économiquement de l’autre.
- L’emprise mentale est une mise sous sujétion progressive et intégrée dont le processus est gradué.
- L’emprise intellectuelle induit un rapport de « maître à élève » qui infantilise le partenaire
Des faisceaux d’indices concordants issus de la jurisprudence concernant l’emprise
- Conditionner et résigner l’autre à l’impuissance et à la fatalité de sa condition
- Le contrôle allant de la surveillance à l’aliénation
- Harcèlement de toute sorte
- L’intimidation par des menaces des actes des paroles allant jusqu’à la terreur
- Une relation exclusive et élective qui créée des manques et des frustrations
- Isoler ou éloigner des proches, isoler socialement
- Dévaloriser et dégrader l’estime de soi et l’identité du sujet
- L’expression de peur pour soi ou pour ses proches (notamment quand il y a des enfants)
- Le sentiment d’isolement et d’abandon
- L’expression de signes d’anxiété, de dépression et de fatalisme
- Le sentiment d’insécurité ou de terreur
- Rendre coupable – manipuler et faire du chantage notamment au suicide.
« La philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury, dans sa chronique philo dans l’Humanité, parle de « Systèmes d’emprise », et explique précisément de quoi il s’agit, comment cette mécanique subtile opère et comment certaines personnes s’y retrouvent prises, coincées, enfermées. »