Le délai de 30 ans qui rendait impossible toute poursuite au civil vient enfin d’être aboli.
ontrairement à la débâcle qui a entouré le dépôt du projet de loi 61 de la CAQ au début du mois de juin, le projet de loi 55 a lui été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale. C’est maintenant chose faite : le délai de prescription en matière de violences sexuelles est officiellement aboli. Les victimes de tels sévices, celles ayant subi de la violence conjugale, de l’inceste ou des agressions sexuelles durant l’enfance, pourront maintenant déposer une poursuite contre leur agresseur ou ses complices devant un tribunal civil, peu importe à quel moment dans leur vie elles ont subi l’inconcevable.
Voilà qui était essentiel.
Auparavant, ce délai était de 30 ans. Ce qui veut dire qu’après 30 ans et un jour, vous ne pouviez plus poursuivre votre agresseur ou ceux qui l’ont protégé pour obtenir dédommagement. Il s’agissait là d’une anomalie juridique, issue du principe répandu qu’un droit en vient à s’éteindre après l’écoulement d’un certain temps. C’est le cas par exemple si vous achetez une voiture et que vous découvrez que celle-ci ne fonctionne pas. À partir de la découverte de ce vice, vous disposez de trois ans pour poursuivre le vendeur.
Autant il s’agit là d’une norme commune, voire banale quand il s’agit d’une voiture, autant cette règle s’avérait cruelle pour les victimes d’actes pouvant faire l’objet d’accusations criminelles. Plusieurs études démontrent qu’il peut s’écouler des dizaines d’années avant qu’une victime d’agression sexuelle prenne conscience des dommages qu’elle a subis du fait de son agresseur, ou qu’elle ait le courage de le dénoncer afin de demander justice.
Bref, la prescription rendait les démarches judiciaires des survivants et survivantes encore plus compliquées. Comme le soulignait le réseau des Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) en commission parlementaire, « un des besoins fondamentaux pour les personnes victimes est de respecter le rythme avec lequel elles avancent dans leur rétablissement ».
Non seulement ces personnes devaient surmonter toutes leurs angoisses et ressasser un passé douloureux dans un austère palais de justice, mais elles pouvaient aussi avoir de bonnes raisons de craindre que leur demande soit rejetée pour cause de prescription.
Outre les arguties légales entourant le délai de prescription, c’est la notion même de justice pour la victime qui pouvait être en jeu dès le début du procès.
Plusieurs causes civiles sur cette question se sont rendues jusqu’en Cour suprême pour différents motifs. Dans la cause Christensen c. Archevêque catholique romain de Québec, la prescription a été soulevée dès le début du procès pour justifier l’irrecevabilité de la demande en dommages et intérêts de la victime — pour une agression sexuelle survenue plus de 25 ans avant le dépôt de l’action en responsabilité civile. La Cour supérieure tout comme la Cour d’appel du Québec ont rejeté la demande de madame Christensen. Mais au terme de quatre ans de procédures, la Cour suprême a tranché en faveur de la victime, indiquant que le juge de première instance doit mener une analyse de la preuve en profondeur pour juger si le délai de prescription est respecté, non pas rejeter sommairement le recours de la victime. Un jugement qui, d’ailleurs, ne fait que trois paragraphes. La cause s’est finalement réglée à l’amiable et de manière confidentielle en 2011. Il est à noter que l’agresseur, Paul-Henri Lachance, avait été condamné au criminel à 18 mois de prison en 2009, puisque, en droit criminel, il n’existe pas de délai de prescription.
Dans une autre cause entendue en Ontario et datant de 1992, une victime d’inceste a dû elle aussi se rendre jusqu’en Cour suprême pour combattre le rejet de sa cause par un tribunal inférieur qui invoquait la prescription. Encore une fois, c’est le plus haut tribunal du pays qui a dû établir de nouveaux critères pour expliquer que « le délai de prescription ne devrait commencer à courir que lorsque la partie demanderesse est réellement consciente du préjudice subi et de sa cause probable ».
Toutes ces démarches judiciaires, toutes ces heures devant la Cour, tous ces honoraires d’avocats, toutes ces questions légales hautement techniques ont créé une abondante jurisprudence qui est aujourd’hui caduque. Il fallait cesser d’accepter l’épuisement des victimes, qui en plus de devoir se battre pour obtenir un semblant de compensation pour les traumatismes d’une vie entière, devaient aussi se soumettre à un principe juridique farfelu et délétère dans le contexte.
La prescription soulevait aussi des questions très importantes d’accès à la justice. Il fallait bien en effet rémunérer tous ces experts qui venaient convaincre le tribunal que cette victime avait respecté le délai de prescription. Sans parler de l’avocat chargé de les interroger. Le projet de loi 55 ne règle cependant pas tous les problèmes. Comme le soulignait Rachel Chagnon, professeure à l’UQAM et directrice de l’Institut de recherches et d’études féministes, aux audiences sur le projet de loi 55, l’aide juridique continue, sauf exception, de refuser de couvrir dans son offre de services ce type de recours contre un agresseur.
Or, un recours civil est souvent l’un des rares qui s’offrent à une victime, si celle-ci n’a pu voir son agresseur accusé au criminel. Ce mince fil de prescription pouvait anéantir toute son espérance de justice même si la preuve quant au reste des événements était la plus solide qui soit.
Au moins aujourd’hui, cet obstacle n’existe plus. Les élus devraient continuer dans cette voie.
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